dimanche 19 octobre 2008

Les cathares, Sévilla, Historiquement Correct

« Le gnostique ( exemple : le cathare ) prétend vivre dans la vérité ; le chrétien l’accueille en lui du mieux qu’il peut. » ( American Black Box, P 325 )


Les cathares et l’Inquisition médiévale

« A la fin du XIe siècle, un mouvement de contestation de l’Eglise se développe dans l’actuel sud-ouest de la France…leur pensée repose sur un dualisme absolu….Le catharisme oppose deux principes éternels, le bon, qui a enfanté les esprits, les âmes, le Bien. Et le mauvais, qui est à l’origine de la matière, du corps, du Mal. Ce n’est pas Dieu qui a créé l’univers, c’est Satan. Toute réalité terrestre est marquée du signe du Mal. » (P52-53)
Les cathares utilisent la religion chrétienne en réinterprétant tout : Jésus n’est pas Dieu, c’est un ange, la Sainte Vierge un pur esprit sous des apparences humaines, l’âme doit quitter le royaume terrestre du Mal pour atteindre le royaume de l’esprit.
Les cathares se distinguent entre croyants et parfaits. Les parfaits quittent leurs famille, observent la plus stricte continence, ( ne mangent presque rien et sont végétariens et pratiquent l’abstinence sexuelle ).
« Plus qu’une hérésie, le catharisme constitue une remise en cause intégrale du christianisme. Récusant l’Eglise, la famille, la propriété et le serment d’homme à homme, les cathares nient les fondements de l’ordre féodal. » ( p54)
D’où le danger énorme de cette secte qui se répand à partir de 1160. C’est la remise en question de toute la société de l’époque, avec, à terme la disparition pure et simple de l’homme puisque celui-ci a une enveloppe charnelle mauvaise. Une hérésie au Moyen-Age, où « le temporel et le spirituel sont intimement liés, à une époque où la liberté de conscience est inconcevable…constitue une rupture de lien social. » ( P54)
L’Eglise pour combattre ce grand danger qui menace la société médiévale va employer bien des moyens, rarement la violence physique mais des moyens de persuation : prédication de Saint Bernard de Clairvaux, mission du Pape Innocent III confiée aux frères Raoul et Pierre de Castelnau, cisterciens en 1200, enfin intervention de Saint Dominique qui fonde un ordre consacré à la lutte contre l’hérésie à partir de 1205, les dominicains.
En 1208, Pierre de Castelnau est assassiné. Le comte de Toulouse, Raimond VI, se montre conciliant avec les hérétiques au lieu de les combattre. Le Pape prêche la croisade puisque les moyens pacifiques ne suffisent pas. C’est Simon de Montfort, un seigneur d’île de France qui prend la tête de la croisade, qui va durer tout de même 20 ans. Raimond VII ( fils du 6ème ), qui rencontre le roi Louis IX, promet de détruire Montségur, repère des cathares. « Refusant d’abjurer, 225 parfaits ( chiffre incertain ) montent sur un bûcher géant, puis le castrum cathare est détruit. » ( P58).
« Aux yeux de certains, le bûcher de Montségur symbolise la cruauté absolue des adversaires des cathares, catholiques ou gens du Nord. C’est négliger le fait que la prise du sanctuaire constitue un acte de guerre, accompli par des soldats. C’est oublier que la croisade contre les albigeois, conflit politico-religieux, est intervenue après l’échec de la résorption pacifique du catharisme. C’est omettre que l’hérésie, à l’époque, constitue un crime social. » ( P59)

Rôle de l’Inquisition française.
Apogée du catharisme vers 1200 ; croisade contre les albigeois à partir de 1209 ; Bûcher de Montségur en 1244.
« Dès 1213, Innocent III a affirmé la nécessité de traquer l’hérésie non sur la base de rumeurs ou de préjugés, mais en procédant à une enquête : en latin, inquisitio. » (P60)
Au départ, seuls les évêques sont habilités à procéder à l’enquête en vue de convertir mais « en 1231, Grégoire IX publie la constitution Excommunicamus, acte fondateur de l’Inquisition. » Les ordres mendiants ( Dominicains et Fransciscains ) vont être mis à contribution pour lutter contre l’hérésie grâce à cette justice ecclésiastique, indépendante de la justice civile. Certains inquisiteurs, seront révoqués parce que ayant « failli à leur responsabilité ».( souvent trop sévères dans leurs sentences).
« Au demeurant, du point de vue de la méthode judiciaire, l’Inquisition a représenté un progrès. Là où l’hérésie déclenchait des réactions incontrôlées – émeutes populaires ou justice expéditive -, l’institution ecclésiastique a introduit une procédure fondée sur l’enquête, sur le contrôle de la véracité des faits, sur la recherche de preuves et d’aveux, en s’appuyant sur des juges qui résistent aux passions de l’opinion. » (P64)
Usage de la torture : longtemps refusée par l’Eglise, elle est rétablie au XIII ème siècle à cause du développement du droit romain dans la justice civile. En 1252, Innocent IV autorise son usage dans les tribunaux ecclésiastiques à condition que cela n’entraîne ni mutilation ni la mort. Elle sera rarement utilisée, contrairement à ce qui est dit.
Le bûcher : « Emmanuel le Roy Ladurie note que l’Inquisition en use fort peu. »(P65-66)

« Au sens où l’entend le XXIe siècle, l’Inquisition est intolérante. Mais au Moyen-Age, ce qui n’est pas toléré, c’est l’hérésie ou l’aposthasie de la foi catholique : les fidèles des autres religions ne sont pas justiciables de l’Inquisition. » ( P66)


Bernanos.
Après ce résumé rasoir, je ne résiste pas à vous offrir quelques passages sur Saint Dominique de ce magnifique recueil de texte de Bernanos intitulé « les Prédestinés » ( textes rassemblés et présentés par Jean-Loup Bernanos, Editions du Seuil ). C’est un peu « la cerise sur le gâteau » et vous conseille vivement la lecture de ce livre que j’ai lu récemment .En fait, j’en ai rien à battre de l’Inquisition, mais Bernanos ! Bernanos, j’ai commencé cette année simplement ( je sais, c’est lamentable ). Saint Dominique, raconté par Bernanos fut un incroyable prêcheur vis à vis des hérétiques ; C’est cet aspect qui peut vous intéresser et compléter le petit résumé.

« Aux heures du jour – car la nuit n’était qu’une grande rumeur obscure -, ils croisaient parfois l’escorte d’un riche abbé, furtive, armée jusqu’aux dents, comme en pays ennemi. Et lorsque la poussière était retombée, l’on voyait souvent l’un de ces Parfaits Cathares, pieds nus, tête nue, la chevelure encore pleine de la dernière averse, sordide et sévère sous sa bure, et les mères à genoux venaient lui présenter les petits enfants… »

Décidément, je ne peux choisir un extrait de ce livre : tout est trop beau et je ne sais comment vous adjoindre à le lire. Peut-être la fin, si émouvante : Saint Dominique est mourant :

« Les frères sont assemblés pour recueillir, s’il est possible, quelque chose de la parole qui va s’affaiblissant. Dominique fait un signe de la main, ils s’approchent . A l’humble geste du saint, ils reconnaissent qu’il a quelque aveu public à faire, et qui pèse lourd sur son cœur. Celui qui a parut au Pape Innocent III dans un songe, portant l’Eglise de Latran sur ses épaules, conseiller des pontifes, conseiller des princes, arbitre de tant de destinées, maître et législateur de tant de consciences, découvre t-il en cet instant solennel, avec effroi, le caractère abstrait, presque terrible de sa vocation doctrinale ? Quel scrupule le tourmente ?

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